ÉTUDE DE CAS : SUZANNE

Par le Pr Lou Cozonilo (article traduit et partagé avec l’aimable autorisation de l’auteur)

Suzanne est venue en thérapie en se plaignant d’épuisement et de dépression. Elle élevait deux enfants, occupait un emploi à temps partiel et soutenait son mari au chômage. Tout en disant qu’elle comprenait la difficulté de son mari à trouver du travail – « les managers d’âge moyen ne sont pas facilement embauchés  » – elle ruminait le fait qu’il ne semblait pas en recherche active et qu’elle rentrait à la maison après une longue journée de travail alors qu’il n’avait pas fait grand-chose dans la maison. Suzanne rentrait du travail, cuisinait, s’occupait des enfants, nettoyait la maison, se levait tôt et emmenait les enfants à l’école. Ses week-ends consistaient à rattraper toutes les tâches qu’elle n’avait pas pu accomplir pendant la semaine. Elle savait qu’elle était fatiguée et elle comprenait pourquoi. Cependant, elle était devenue préoccupée par sa dépression et ses récentes pensées suicidaires. « Ma vie est belle », m’a dit Suzanne. « J’ai des enfants, un mari, un bon travail, la santé, alors pourquoi mes pensées dérivent-elles vers le suicide ? Cela doit être un déséquilibre chimique. »

Lors de nos premières séances, j’ai remarqué que Suzanne me posait toujours des questions sur ce que je ressentais. Elle semblait très sensible à mes expressions faciales, mes mouvements et mes gestes. A quelques reprises, elle m’a demandé si je mangeais bien et si je me reposais suffisamment. Elle a alors commencé à m’apporter du café et un muffin à nos entretiens parce qu’elle pensait que je ne mangeais pas assez. Un jour où j’ai dû changer l’heure d’un rendez-vous, elle a répondu très rapidement en disant qu’on pouvait sauter la séance si j’étais trop occupé ou fatigué pour la voir cette semaine-là. Il est devenu clair qu’en dépit du fait qu’elle me payait pour prendre soin d’elle, elle s’était en fait donné la mission d’être ma gardienne. Elle m’avait ajouté à sa liste de responsabilités.

Suzanne a grandi, fille unique dans une grande famille traditionnelle. Sa famille n’a jamais répondu à ses besoins et à ses sentiments. Elle était jugée chaque jour en fonction de sa capacité à aider sa mère, à répondre aux besoins des hommes et des garçons qui étaient servis. Les croyances culturelles et religieuses de Suzanne ont également renforcé ce type de structure familiale. En vieillissant, ses systèmes d’imitation, de résonance et de miroir primitifs et réflexifs ont été renforcés et affinés au point où elle se targuait de pouvoir « lire dans l’esprit » des autres. Parfois, elle soupçonnait qu’elle pouvait être clairvoyante parce qu’elle pouvait prédire les besoins des autres quelques instants avant qu’ils ne lui demandent quelque chose, « comme ce gars : Radar dans l’émission MASH » Malheureusement, elle n’a jamais appris à se connaître elle-même, à être consciente de ses sentiments, ou à exprimer ses besoins.

Dans l’esprit de Suzanne, être utile c’est être aimée, être aimée c’est être connectée, et être connectée c’était survivre. Elle a réalisé qu’elle était attirée et attirante pour les hommes dépendants qui répondaient à son besoin de prendre soin, et qu’elle a façonné ses enfants pour qu’ils soient dépendants afin qu’elle se sente toujours utile, et donc aimée. L’expérience de Suzanne suggère que si les systèmes de résonance sont automatiques, avoir un sens de soi et être conscient de ses propres besoins et émotions nécessite une relation miroir, une relation qui vous respecte et vous aide à vous connaître. En raison de sa famille et de sa culture, le cerveau de Suzanne a été façonné pour servir de complément aux autres.

Au cours de la thérapie, Suzanne a appris la source de sa dépression. Elle a découvert de nombreuses choses dont elle avait besoin : des vacances, plus d’aide de son mari, un emploi du temps plus facile et du temps chaque semaine pour se détendre, se faire coiffer ou passer du temps avec des amis. Ses pensées suicidaires intrusives ont pu être comprises comme son désir de tuer la partie d’elle-même qui vivait complètement pour les autres. De nombreux clients en psychothérapie sont dans une condition similaire avec une frontière inadéquate entre eux-mêmes et les autres en tandem avec une incapacité à être conscients de leurs propres sentiments et besoins. La prise de conscience, l’exploration et l’expression consciente de soi dans les récits sont des éléments essentiels de la plupart des formes de psychothérapie.

Extrait du livre du Dr Cozolino, The Neuroscience of Human Relationships.

Le Dr Lou Cozolino pratique la psychothérapie et la psychologie clinique à Beverly Hills, en Californie. Il a obtenu son doctorat en psychologie clinique de l’UCLA. Il est professeur à Pepperdine depuis 1986 et donne des conférences dans le monde entier sur la psychothérapie, les neurosciences, les traumatismes et l’attachement.

Avec plus de 30 ans d’expérience en tant que psychothérapeute et coach, Lou travaille avec des adultes, des adolescents et des familles qui font face à une grande variété de défis de la vie.

La principale méthode de Lou en tant que thérapeute est celle de la connexion, de l’harmonisation et de l’interaction. Travaillant principalement à partir d’un modèle de traitement psychodynamique, il utilise également des stratégies et des techniques issues des autres formes de thérapie qu’il a étudiées, notamment la TCC, les systèmes familiaux et l’humaniste / existentiel.

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