L’antidote pour les voix critiques chez les individus présentant des troubles psychiatriques sévères est-il la compassion ?

Par Aaron T. Beck, MD, et Molly R. Finkel, MSEd

L’ Institut Beck est une organisation à but non lucratif situé à Philadelphie qui offre une formation nationale et internationale en thérapie cognitivo-comportementale.

D’où émanent les voix critiques et persécutrices ressenties par les personnes atteintes de troubles psychiatriques sévères ? Nous suggérons que les voix critiques et la paranoïa peuvent être apprises de l’expérience des individus vulnérables surveillant les critiques de leur famille et de leurs groupes sociaux / culturels. Elles peuvent également être intégrées à un héritage biologique mammifère et réactivées par les circonstances actuelles. Pour obtenir l’acceptation de la famille, ainsi que du groupe, l’individu doit se conformer aux normes familiales et groupales. En règle générale, les normes de groupe telles que l’équité, la coopération, les compétences, l’obéissance et la loyauté sont enracinées, souvent par le biais d’un renforcement positif. Cependant, lorsque des individus vont à l’encontre de la norme, ils peuvent être punis par une seule personne, un groupe ou une culture sous des formes telles que la dévalorisation, le rejet ou l’isolement. Il est important de noter que les individus se livrent également à de l’auto-punition, de l’autocritique et de la dévalorisation, ce qui inclut souvent des évaluations négatives de soi comme étant mauvais, stupide, inadéquat, inférieur, ou marginalisé.

Les personnes diagnostiquées avec des troubles psychiatriques sévères ont une quantité inhabituelle d’auto-dévalorisation, de réprimandes, de manipulations et d’autocritiques, ce qui conduit à une hypervigilance. C’est souvent le résultat d’un contrôlé dans le passé par une personne importante qui a dominé l’individu, conduisant à une conformité interne, à des exigences et, dans certains cas, à des hallucinations sévères ou imposantes. De plus, ceux qui entendent des voix apprennent souvent à se surveiller eux-mêmes et les autres, ce qui conduit à une pensée et à un comportement paranoïaque.

En réfléchissant aux interventions possibles qui ciblent les voix menaçantes ou critiques, la recherche a commencé à explorer l’utilisation de la compassion comme un outil qui en étant augmenté peut faciliter le rétablissement. Par exemple, Waite et al. (2015) ont montré des liens significatifs entre la compassion et la récupération d’une psychose. Plus précisément, ces chercheurs ont découvert que l’auto-compassion était associée à la croissance et à l’autonomisation en tant que mesures de rétablissement, tandis que l’autocritique liée à la honte était associée à des niveaux plus élevés de détresse liée aux expériences psychotiques. Avec cette constatation à l’esprit, ainsi que d’autres qui ont montré les associations entre la compassion et le bien-être, la réussite, le lien social, etc. (Barnard & Curry, 2011), nous soulignons ici certaines techniques cliniques qui visent à aider les individus aux prises avec des voix critiques, dures et / ou dominantes.

Les programmes ciblant la compassion tels que la thérapie fondée sur la compassion (TFC; Gilbert, 2009; 2014) et d’autres interventions connexes avec des liens plus périphériques à la compassion (les techniques de chaises des thérapies Gestalt ou centrées sur les émotions, le renforcement des compétences d’auto-compassion basé sur la pleine conscience, certaines activités de thérapie d’acceptation et d’engagement, etc. .) ont acquis une validité significative dans la littérature et se sont révélées efficaces pour traiter certaines psychopathologies et augmenter le bien-être (Neff, Rude & Kirkpatrick, 2007; Shapiro et al., 2005; et pour un article de synthèse, voir Barnard & Curry, 2011). Les interventions fondées sur la compassion peuvent s’avérer particulièrement utiles pour les personnes souffrant de graves problèmes de santé mentale, en particulier les personnes aux prises avec des voix dures, menaçantes et critiques. Gilbert et ses collègues (2019) déclarent que l’objectif principal pour les entendeurs de voix dans la TFC est d’apprendre à passer d’un système de motivation basée sur la menace à un état de motivation affective plus serein et basé sur la compassion. La TFC recommande de nombreuses interventions qui visent à faciliter la transition vers un sentiment d’identité ou de soi basé sur de la compassion et à explorer et renforcer cette partie de la personnalité. Ces interventions comprennent, sans s’y limiter, l’imagerie, la rédaction de lettres et les techniques sociales / comportementales.

Dans les techniques d’imagerie, les individus apprennent à activer et à utiliser leur motivation et leur identité de compassion pour imaginer des personnages moins nuisibles comme représentant leur voix et mettre en place des scénarios imaginaires qui crée un sentiment plus serein par rapport à leurs interactions réelles avec leurs voix critiques, afin que l’individu puisse explorer différents aspects et les intentions des voix. De plus, on peut utiliser l’imagerie pour modifier certaines des caractéristiques du personnage parlant (par exemple, baisser le volume ou changer le ton de la voix) et tenter d’engager une conversation imaginaire avec la voix du point de vue du soi basé sur la compassion.

L’intervention de rédaction de lettres est très similaire aux techniques de visualisation en ce que, grâce à l’activation et à l’engagement du soi basé sur la compassion, les individus écrivent des lettres à leurs voix et cherchent à ressentir de la compassion et de la compréhension envers leurs voix, à clarifier comment la voix peut s’être développée sur la base d’une expérience traumatique et le rôle de « protection contre les menaces » qu’elles peuvent jouer. Cela permet à l’individu non seulement de comprendre les facteurs possibles qui ont contribué à ce que les voix soient dures ou critiques, mais surtout, l’individu acquiert de la compassion en ce qu’il peut reconnaître que le fait qu’il éprouve des voix n’est pas de sa faute et qu’il peut garder un espace pour lui-même afin de reconnaître les expériences négatives qui dans sa vie ont pu avoir contribué à l’émergence des voix, ainsi que les aspects évolutifs de la menace et de la protection qui jouent également un rôle.

Les expériences sociales in vivo qui font partie de le TFC correspondent assez étroitement à la philosophie de la thérapie cognitive orientée vers la remédiation. Les activités prosociales et significatives dans des contextes réels servent à stimuler la compassion des individus envers les autres ainsi qu’à augmenter le réconfort lié à la réception de la compassion. En outre, ces expériences servent à créer un sentiment de sérénité et de connexion qui contrecarre l’état de motivation lié à la menace associé aux voix critiques. En général, les interventions basées sur la compassion chevauchent la thérapie cognitive orientée vers la remédiation dans la mesure où les deux cherchent à s’appuyer sur les éléments positifs ou adaptatifs de la personnalité et par le biais d’interventions actives, fournissent des informations importantes associées à une forme de sérénité, de connexion, d’autonomisation et d’autres significations personnelles pour les personnes souffrant de détresse psychologique et de troubles psychiatriques sévères. 

Traduit de beckinstitute.org et utilisé avec l’aimable permission du ©2020 Beck Institute for Cognitive Behavior Therapy.

References:

Barnard, L. K., & Curry, J. F. (2011). Self-compassion: Conceptualizations, correlates, & interventions. Review of general psychology15(4), 289-303.

Gilbert, P. (2014). The origins and nature of compassion focused therapy. British Journal of Clinical Psychology53(1), 6-41.

Gilbert, P. (2009). Introducing compassion-focused therapy. Advances in psychiatric treatment15(3), 199-208.

Heriot-Maitland, C., McCarthy-Jones, S., Longden, E., & Gilbert, P. (2019). Compassion focused approaches to working with distressing voices. Frontiers in psychology10.

Neff, K., Rude, S., & Kirkpatrick, K. (2007). An examination of self-compassion in relation to positive psychological functioning and personality traits. Journal of Research in Personality, 41,908 –916. doi:10.1016/j.jrp.2006.08.002

Shapiro, S. L., Astin, J. A., Bishop, S. R., & Cordova, M. (2005). Mind-fulness-Based Stress Reduction for health care professionals: Resultsfrom a randomized trial. International Journal of Stress Management, 12,164 –176. doi:10.1037/1072-5245.12.2.164

Waite, F., Knight, M. T., and Lee, D. (2015). Self-compassion and self-criticism in recovery in psychosis: an interpretative phenomenological analysis study. J. Clin. Psychol. 71, 1201–1217. doi: 10.1002/jclp.22211

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