Vous vous reconnaissez lorsque vous lisez des articles sur l’hypersensibilité ou cela vous questionne?
On parle beaucoup d’hypersensibilité. De nombreux livres proposent d’aider à mieux vivre l’hypersensibilté. Fabrice Midal en parle comme d’un pouvoir à maitriser. De nombreux patients me questionnent sur leur hypersensibilité et en parlent de façon décontextualisée, comme si l’on pouvait faire deux groupes distincts, l’un normo-sensible, l’autre hypersensible. Ce n’est pas le cas.
La sensibilité dépend de nos récepteurs sensoriels, de la transmission de l’information sensorielle à un niveau nerveux et de l’attention qui va sélectionner l’information pertinente. Le nombre de variables qui influencent l’information qui va être perçue est infini. Pour n’en donner qu’un exemple, un même son entendu plusieurs fois, ne va pas entrainer la même réactivité neurologique. Il y aura une habituation. Peut-être avez-vous remarqué que dans un nouvel endroit vous percevez tous les bruits nouveaux et progressivement, lorsque le lieu devient familier, ils vont disparaître. Cette habituation n’est pas la même pour tous.
Ce que nous appelons hypersensibilité est en réalité le fait d’être en décalage avec un groupe social dans notre vitesse d’habituation aux stimulus sensoriels. Par exemple, on peut se sentir submergé par les bruits d’une fête et ce d’autant plus si on est fatigué alors que les gens autour de nous s’amusent. On se sent alors déconnecté, déphasé et on peut se sentir stressé.
Bien souvent, la souffrance émerge, dans la relation que nous avons à un stimulus particulier, comme un son. Si vous n’aimez pas les chiens, le bruit des aboiements peut devenir un véritable enfer. La lutte pour ne pas percevoir ce son, amène le cerveau à l’étiqueter comme une menace, ce qui peut entrainer une réaction émotionnelle intense. Si vous vous dites que vous ne devriez pas être agacé·e par les aboiements, la souffrance sera encore plus intense. La culpabilité de « mal réagir » crée une émotion secondaire qui s’ajoute à la réaction émotionnelle primaire.
Votre cerveau vous oriente alors vers ce son et vous l’entendez plus que les autres qui s’intègrent dans une sonorité ambiante. Une boucle de renforcement se crée et on peut même parfois vérifier si l’on a pensé ou pas aux aboiements et être en colère même lorsqu’ils ont disparu.
Pour désamorcer cette spirale, on peut commencer par observer nos émotions, nos pensées et nos comportements avec curiosité, ainsi que notre relation à ces sensations sonores. Observer simplement, c’est déjà se reconnecter.
Finalement, si le concept d’hypersensibilité est fonctionnel pour vous et vous aide à vous comprendre ou à vous sentir compris, c’est qu’il est facteur d’intégration et c’est très bien.
Mais n’oublions pas que tous les êtres vivants ont une sensibilité, même ceux qui paraissent insensibles. Chaque être sensible mérite de recevoir de la compassion.
Quelle que soit votre souffrance, elle est valide. Elle mérite d’être considérée et libérée.
Isabelle Leboeuf est Docteure en Psychologie et psychothérapeute. Elle intègre les Thérapie Cognitives et Comportementales, la Thérapie Fondée sur la Compassion et l’hypnothérapie.