Je suis absolument certaine que vous avez déjà anticipé un désir.
Peut-être avez-vous imaginé le goût d’un plat que vous cuisiniez en inventant toutes ses saveurs ? Peut-être avez-vous envisagé la réussite d’un travail en cours ? Peut-être même que vous avez projeté les sensations d’un baiser consenti avant de savoir si votre attirance était partagée ?
A quel moment avez-vous pris le plus de plaisir ? Au moment d’imaginer ou au moment de la dégustation ?
Après avoir réalisé 10 fois le même gâteau, le plaisir s’est-il estompé ?
Et si vous n’avez pas obtenu ce que vous désiriez, qu’avez-vous ressenti ?
De vos trois réponses, découle une des clefs du bonheur. Comprendre le fonctionnement du désir permet de profiter davantage de ses plaisirs et de ressentir plus intensément ce que la vie a à nous offrir.
Tout d’abord, le plaisir est dans le fantasme, plus que dans sa réalisation. C’est au moment précis où l’on planifie une récompense, que notre cerveau nous offre le plus de dopamine, la fameuse substance du plaisir. Si les choses se déroulent exactement comme on les a prévues, on ne prend pas plus de plaisir. On ressent juste une forme de continuité. Et comme vous l’avez peut-être déjà observé, plus l’issue d’une situation est prévisible, moins le plaisir est intense. C’est une forme d’habituation. On parle en psychologie positive d’accoutumance hédoniste. Lorsqu’un plaisir est prévisible, la sensation de plaisir s’atténue, ce qui nous permet de voguer vers de nouveaux désirs. A l’inverse, vous avez surement remarqué que le plaisir est plus intense lorsque l’issue est incertaine. Tout bon film évite une fin trop prévisible qui nous laisserait peu stimulé…
Mais qu’arrive-t-il lorsque notre prédiction de plaisir ne se réalise pas ? On va alors ressentir de la frustration, cette sensation proche de la colère lorsque l’on a prévu un plaisir et que quelqu’un ou quelque chose se met en travers de sa réalisation : « Qui a mangé le dernier gâteau préparé par ma grand-mère ? »
Ces observations très simples, que l’on peut tester autant que nécessaire si le plaisir vous en dit, ouvrent à une stratégie que nous avons tous tendance à utiliser. Nous créons des objectifs ou anticipons des désirs pour gérer nos émotions. Et nous allons compenser nos frustrations par de nouvelles anticipations. On recrée ainsi une boucle car ces nouvelles attentes devront être comblées pour éviter de nouvelles frustrations.
Et cette spirale est en elle-même une forme d’addiction comportementale. C’est un peu comme vivre à crédit de notre propre désir.
Je pourrai vous donner milles exemples, mais la souffrance que j’entends le plus souvent est la dépendance affective. L’autre, en particulier si ses comportements sont difficiles à prédire, crée un espoir, un fantasme… Mais disparait au moment d’être aimé ou juste après, laissant une frustration. Le rêve renouvelé : « demain, bientôt, tu verras… », recrée le plaisir dans l’attente. La relation se transforme en roman érotique dont la lecture permet d’éviter un sentiment de solitude ou de tristesse. L’anticipation des retrouvailles torrides, fait oublier l’absence ou les carences de la relation réelle.
D’une façon générale, nous avons tendance à utiliser le plaisir pour gérer les situations de déconnections. Ces moments où nous ne sommes pas en phase avec la réalité.
Le remède est simple mais demande du courage : c’est dans la présence que l’on trouve une forme de reconnexion. C’est dans l’ici est maintenant, que l’on va retrouver les traces d’un chemin vers l’amour véritable
Essayez d’observer, la tout de suite, que ressentez-vous ? Quelles sensations percevez-vous ? Quelles pensées vous traversent ?
Le moment présent n’est pas toujours agréable. Pour moi, il y a, la tout de suite, une sensation de fatigue au niveau des yeux, le bruit des voitures qui passent dans la rue et la pensée : « est-ce que ce que j’écris est suffisamment clair ? »
Je n’ai pas nécessairement envie d’être en contact avec tout ça. Mais aimer ne signifie pas uniquement apprécier. Il y a un sens plus profond, plus « cosmique » du terme. Il existe un phénomène qui est ancré dans les lois physiques du cosmos qui s’appelle la synchronisation. Pour faire simple, c’est en étant pleinement connecté à ce qui est que l’on crée une forme d’harmonie. C’est dans cette présence à moi-même que je vais pouvoir commencer à m’aimer.
Spinoza nous éclaire sur l’existence de deux formes de joie, l’une passive qui attend que la monde réponde à nos désirs, l’autre active, qui part de nous-même. Elle irradie de soi vers le monde.
En accueillant les bruits tels qu’ils sont, mon cerveau les intègre rapidement et les fait disparaitre s’ils n’ont pas d’intérêt. En écoutant ma fatigue, je décide de vous quitter et d’aller me reposer et méditer quelques minutes. En écoutant mes doutes, je relirais plus tard, et vous invite à partager vos questions, ou vos observations. Traverser mon inconfort sensoriel me permet d’accéder à mes besoins, de prendre soin de moi comme d’un être qui mérite d’être bien.
Mais plus profondément, je peux aussi me connecter avec le fait que j’écris par amour et pour offrir ma compassion… Je me connecte ainsi à mes joies actives, qui me permettent d’aimer de façon infinie même quand l’autre n’est pas là.
Et vous quelles sont vos joie actives ?